Le concept de l’enlèvement de l’Église, où les croyants sont emmenés pour rencontrer Christ dans les airs avant une période de tribulation sur Terre, a été un pilier de nombreuses eschatologies (études des événements de la fin des temps) chrétiennes. Cependant, après beaucoup d’étude et de réflexion, j’ai conclu que cette doctrine pourrait ne pas être aussi bibliquement fondée que je le croyais autrefois. Voici les raisons principales de ce changement de croyance.
1. Contexte Historique et Interprétation
La théologie de l’enlèvement, particulièrement l’enlèvement avant la tribulation, est un développement relativement récent dans la théologie chrétienne. Elle a gagné en popularité au XIXe siècle grâce aux enseignements de John Nelson Darby et à la diffusion du dispensationalisme (une méthode d’interprétation de la Bible qui divise l’histoire en différentes périodes ou « dispensations »). Avant cela, les Pères de l’Église et les principaux credo du christianisme ne prônaient pas un enlèvement distinct du retour du Christ. Le Credo de Nicée, par exemple, parle du retour de Christ pour juger les vivants et les morts, mais ne mentionne pas un enlèvement préliminaire.
Le développement de la théologie de l’enlèvement peut être retracé au contexte plus large des mouvements religieux du XIXe siècle et leurs interprétations des prophéties bibliques. Cette période a vu un intérêt accru pour l’eschatologie, en partie alimenté par des bouleversements sociaux et politiques. Le cadre dispensationaliste de Darby, qui segmente l’histoire en périodes ou « dispensations » distinctes, a fourni une nouvelle perspective à travers laquelle de nombreux chrétiens ont commencé à voir les temps de la fin.
2. Examen Scripturaire
Un examen plus approfondi des principaux passages scripturaires utilisés pour soutenir l’enlèvement révèle des interprétations alternatives. Les passages clés souvent cités incluent :
1 Thessaloniciens 4:16-17: « Car le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d’un archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront premièrement. Ensuite, nous les vivants, qui serons restés, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur. »
Ce passage est souvent interprété comme décrivant un événement d’enlèvement. Cependant, un examen plus attentif du langage et du contexte suggère qu’il décrit le retour du Christ et la résurrection des morts, sans mention explicite d’un enlèvement distinct avant une période de tribulation. L’imagerie des nuages et des trompettes s’aligne avec la littérature apocalyptique juive traditionnelle, qui symbolise souvent l’intervention divine et le rassemblement du peuple de Dieu. Des théologiens comme N.T. Wright soulignent que Paul utilise un langage royal pour décrire le retour triomphal de Jésus, similaire à l’accueil d’un roi entrant dans une ville. Cela signifie que les croyants rencontrent Christ pour l’accompagner lors de son retour sur Terre, plutôt que d’être emmenés au ciel.
Matthieu 24:40-41: « Alors, de deux hommes qui seront dans un champ, l’un sera pris et l’autre laissé; de deux femmes qui moudront à la meule, l’une sera prise et l’autre laissée. »
Ces versets sont souvent liés à l’enlèvement, mais le contexte de Matthieu 24 est un discours sur les temps de la fin, mettant l’accent sur la préparation au retour de Christ, plutôt que de décrire un événement d’enlèvement avant la tribulation. Les versets précédents parlent des jours de Noé, suggérant un jugement soudain et inattendu plutôt qu’un enlèvement secret. Les érudits, comme R.T. France, expliquent que ce passage met en lumière l’imprévisibilité du retour du Christ et la nécessité d’être prêt en tout temps, plutôt que de fournir un calendrier détaillé des événements futurs.
3. Cohérence Théologique
La doctrine de l’enlèvement peut créer des incohérences théologiques lorsqu’elle est considérée dans le cadre plus large de l’Écriture. L’idée que les croyants soient retirés du monde avant une période de tribulation contraste avec le thème biblique des croyants endurant des épreuves et souffrant pour leur foi. Jésus lui-même a prié dans Jean 17:15 : « Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du malin. »
De plus, le Nouveau Testament met l’accent sur la persévérance et la fidélité face à la persécution. Le Livre de l’Apocalypse, souvent cité à l’appui de l’enlèvement, parle à plusieurs reprises de l’endurance des saints et de leur victoire ultime par la souffrance et la fidélité (Apocalypse 13:10, 14:12). Cette perspective s’aligne avec les enseignements de Jésus, qui a averti ses disciples des épreuves et des tribulations, mais a promis sa présence et leur délivrance ultime (Jean 16:33).
4. Focus Eschatologique
Se concentrer sur un événement d’enlèvement peut détourner l’attention de l’espérance chrétienne centrale de la résurrection et de l’établissement du royaume de Dieu sur Terre. Les premiers chrétiens, et en effet les écrivains du Nouveau Testament, anticipaient le retour de Christ et la restauration de toutes choses, non une évasion de la tribulation. Cette vision eschatologique s’aligne plus étroitement avec des passages comme Romains 8:19-23, qui parle de la libération de la création elle-même de sa servitude à la corruption.
La résurrection des morts et la transformation de l’ordre créé sont centrales à l’espérance eschatologique du Nouveau Testament. La discussion de Paul dans 1 Corinthiens 15 met l’accent sur la résurrection comme l’événement pivot de l’espérance chrétienne, culminant dans la défaite de la mort et le renouvellement de toutes choses. Cette perspective encourage les croyants à s’engager activement dans le monde, travaillant pour la justice, la paix et l’épanouissement de toute la création dans le cadre du plan rédempteur de Dieu.
5. Implications Pratiques
La croyance en l’enlèvement peut parfois mener à une approche passive des questions sociales et environnementales, sous l’hypothèse que le monde est destiné à la destruction et que les croyants seront retirés avant que les choses ne deviennent trop mauvaises. Cela peut saper l’appel biblique à la gérance, à la justice et à la participation active à l’œuvre rédemptrice de Dieu dans le monde (par exemple, Michée 6:8, Matthieu 25:31-46).
L’anticipation d’un enlèvement peut favoriser un sentiment de détachement face aux problèmes du monde, diminuant l’urgence de traiter des questions comme la pauvreté, l’injustice et la dégradation de l’environnement. En revanche, le mandat biblique est d’agir avec justice, d’aimer la miséricorde et de marcher humblement avec Dieu, en s’engageant pleinement dans le monde en anticipation du retour de Christ et du renouvellement de toutes choses.
Conclusion
Mon changement de croyance concernant l’enlèvement de l’Église est fondé sur une compréhension historique et contextuelle de l’Écriture, un cadre théologique cohérent et un engagement pratique à vivre l’Évangile. En me concentrant sur le retour du Christ, la résurrection des morts et l’établissement du royaume de Dieu, je trouve une vision eschatologique plus fidèle et plus porteuse d’espérance. Cette perspective m’encourage à m’engager pleinement dans le monde, travaillant pour la justice, la paix et l’épanouissement de toute la création en attendant le retour de notre Seigneur.
Comprendre l’eschatologie sous cet angle transforme notre regard et nos actions, favorisant une espérance active et rédemptrice plutôt qu’évasionniste. Cela nous met au défi de vivre notre foi de manière tangible, en témoignant du royaume à venir de Dieu et en participant à son œuvre transformative dans le monde. En attendant le retour du Christ, nous sommes appelés à être des agents de son amour et de sa justice, incarnant l’espérance de la résurrection et du renouveau dans notre vie quotidienne.