Introduction
Le récit de la Genèse, avec l’interaction entre Ève et le serpent, est l’un des passages les plus énigmatiques de la Bible. Traditionnellement, ce serpent est perçu comme une incarnation du mal, souvent identifié à Satan. Cependant, une analyse plus approfondie des textes bibliques et des écrits de divers théologiens contemporains suggère une interprétation plus subtile. Cet article explore l’idée que le serpent n’était pas un simple animal mais plutôt un séraphin, une créature céleste. Nous examinerons également si ce récit pourrait être interprété comme celui de la chute de Satan.
1. La symbolique du serpent dans le Proche-Orient ancien
Le Serpent comme Gardien Sacré
Dans les cultures du Proche-Orient ancien, les serpents étaient souvent symboles de sagesse, de divinité et de gardiens des lieux sacrés. Par exemple, en Égypte ancienne, le serpent était associé à la déesse Wadjet, la protectrice du roi et du pays. De même, en Mésopotamie, les serpents apparaissent dans des récits mythologiques en tant que gardiens de trésors ou de lieux sacrés.
Richard A. Taylor note dans son ouvrage Biblical Symbolism que « le serpent est souvent perçu comme une figure ambivalente, à la fois protecteur et menaçant, sage et trompeur. » Cette dualité se reflète dans le récit de la Genèse, où le serpent apparaît comme une créature sage mais trompeuse.
Symbolisme dans d’Autres Cultures
Le serpent apparaît également dans d’autres cultures comme un symbole complexe. Par exemple, dans la mythologie grecque, le serpent est associé à Asclépios, le dieu de la médecine, symbolisant la guérison et la connaissance. Cette symbolique montre que le serpent n’est pas simplement un symbole de mal, mais peut aussi représenter la sagesse et la transformation.
2. Les séraphins dans la Bible
Description des Séraphins
Les séraphins sont des créatures célestes mentionnées dans plusieurs passages de la Bible, notamment dans le Livre d’Isaïe (Isaïe 6:2-6). Ces êtres sont décrits comme ayant six ailes et se tenant en présence de Dieu, chantant des louanges. La racine hébraïque « saraph » signifie « brûler », ce qui souligne leur nature ardente et pure.
Craig S. Keener explique dans The Bible Background Commentary : « Les séraphins sont souvent vus comme les gardiens du trône de Dieu, symbolisant la pureté et la sainteté divine. » Cette description cadre avec l’idée que le serpent de la Genèse pourrait être une entité céleste dotée de connaissance et de sagesse.
Le Rôle des Séraphins
Le rôle des séraphins est crucial dans la théologie biblique. Ils sont décrits comme des êtres de lumière et de feu, symbolisant la pureté et la puissance divine. Dans Isaïe 6, ils chantent continuellement « Saint, saint, saint est le Seigneur des armées; toute la terre est pleine de sa gloire! » (Isaïe 6:3). Leur rôle de gardiens de la sainteté divine les place en position d’autorité et de sagesse.
3. Implications du serpent de la Genèse comme un séraphin
La Sagesse et la Ruse du Serpent
Le serpent dans la Genèse est décrit comme étant plus rusé que toutes les autres créatures (Genèse 3:1). Cette caractéristique de ruse et d’intelligence est souvent associée aux êtres célestes dans la littérature biblique. Un simple animal n’aurait pas la capacité de dialoguer avec Ève sur des questions théologiques profondes, remettant en question l’interdiction divine et proposant une interprétation alternative.
Analyse Contextuelle
Henri Nouwen, dans Reaching Out, propose que « la présence du serpent dans le jardin symbolise la tentation éternelle de l’humanité à chercher la sagesse et le pouvoir au-delà des limites établies par Dieu. » Cela suggère que le serpent, en tant que séraphin, incarne cette tentation cosmique.
Dialogue entre le Serpent et Ève
Le dialogue entre le serpent et Ève est riche de sens théologique. Le serpent commence par remettre en question l’ordre divin : « Dieu a-t-il vraiment dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? » (Genèse 3:1). Cette question ouvre la porte au doute et à la désobéissance. Le serpent continue en contredisant directement Dieu : « Vous ne mourrez point; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal » (Genèse 3:4-5).
Commentaires Bibliques sur Genèse 3:14
Le Jugement du Serpent
Genèse 3:14 déclare : « L’Éternel Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. »
Expulsion du Royaume Céleste
Ce verset indique une dégradation et une humiliation du serpent. Si l’on considère le serpent comme un séraphin, cela pourrait signifier que cette créature céleste a été chassée de sa position exaltée dans le royaume céleste et forcée de vivre parmi les êtres humains sur terre. Cette interprétation est renforcée par la notion de « marcher sur ton ventre » et « manger de la poussière », symboles de dégradation et d’abaissement.
Michael L. Brown, dans Answering Jewish Objections to Jesus, commente : « La malédiction du serpent symbolise une chute d’une position élevée à une existence humble et dégradée. Cela peut être vu comme une métaphore de la chute d’un être céleste rebelle, condamné à vivre parmi les humains, éloigné de sa demeure céleste. »
4. Implications cosmiques
La Rébellion dans les Cieux
Les passages bibliques comme Ézéchiel 28:12-17 et Isaïe 14:12-15 sont traditionnellement interprétés comme des descriptions de la chute de Satan. Ces passages parlent d’un être magnifique, autrefois en position élevée, qui a chuté à cause de son orgueil et de sa rébellion contre Dieu.
Parallèles avec le Serpent de la Genèse
En considérant le serpent comme un séraphin, certains théologiens voient un parallèle direct avec Satan. Le serpent pourrait représenter Satan dans sa rébellion contre Dieu, cherchant à corrompre l’humanité nouvellement créée par jalousie et désir de vengeance. Cela renforce l’idée que le récit de la Genèse pourrait également raconter la chute de Satan.
Michael L. Brown dans Answering Jewish Objections to Jesus explique que « l’histoire de la chute n’est pas seulement celle de l’humanité, mais aussi celle de la création tout entière, reflétant une rébellion cosmique contre l’ordre divin. » Cette perspective met en lumière la profondeur du récit de la Genèse et son importance dans le cadre de la théologie chrétienne.
La Rédemption par le Christ
La promesse de Dieu dans la Genèse 3:15, selon laquelle la descendance de la femme écrasera la tête du serpent, est souvent vue comme une prophétie messianique. Le Christ, en tant que descendance de la femme, est celui qui vaincra finalement Satan et restaurera l’ordre divin. NT Wright dans Simply Jesus suggère que « le Christ est venu pour restaurer ce qui a été brisé par la rébellion, apportant la rédemption non seulement à l’humanité mais à toute la création. »
La Prophétie de la Descendance
La prophétie de la descendance de la femme écrasant la tête du serpent (Genèse 3:15) est souvent appelée le Protoévangile, ou première annonce de l’Évangile. Cette prophétie est interprétée comme une promesse de la venue du Messie, qui vaincra le mal incarné par le serpent. Cela ajoute une dimension eschatologique ( fin des temps ) au récit de la Genèse, reliant le début de l’histoire humaine à sa culmination dans la victoire du Christ.
Conclusion
L’idée qu’Ève a parlé à un séraphin plutôt qu’à un simple serpent ou à Satan déguisé en serpent apporte une nouvelle perspective sur le récit de la Genèse. Cette interprétation, soutenue par les écrits de nombreux théologiens contemporains, enrichit notre compréhension de la nature du mal, de la rébellion et de la chute dans la théologie chrétienne. Le serpent de la Genèse n’est pas seulement un symbole de tentation, mais pourrait représenter une entité céleste complexe, impliquée dans une rébellion cosmique contre Dieu.
Voir aussi : les 2 récits de la creation dans la Genèse